mercredi 28 décembre 2011

Poor lonesome ortho, par Zec


Il l'a vue arriver. Il est là depuis longtemps. Il a le temps. Presque l'éternité. Elle non. Son temps est compté.
Il est à ras du sol. Immobile. Son point de vue reste imprenable.
Il a d'abord entendu ses pas. Cadencés. Elle marche comme un petit soldat.
Tic tac , tic tac fait le temps qui s'écoule.
Et elle, elle n'en tient pas compte . Elle clame qu'elle aura le temps. Lui sait que non. Elle se leurre, pauvre humaine qui pense tout maîtriser. Lui sait que non, elle s'en apercevra bien vite.
Après le son, l'image, il a vu une paire de bottes dans son champ visuel. Des bottes cavalières, avec des talons pas trop hauts. Il l'aurait deviné. Il sait qu'elle court tout le temps, elle ne met pas de chaussures inconfortables en sa compagnie. Il a déjà été dans son sac, dans son dos, à bout de bras aussi. Elle a besoin que tout aille vite, elle ne porte jamais de choses qui la dérangent. Pas de bagues pointues, pas de breloques qui tintinnabulent . Le seul accessoire qu'elle porte en sa compagnie , ce sont ses lunettes de vue, et encore, au bout d'un moment, il la force à les retirer, tant il lui abîme les yeux. Les moments passés avec lui sont éprouvants . Elle s'y est habituée au fil du temps mais c'est rarement un plaisir . Souvent, à la fin de leurs soirées, elle le regarde avec contentement et satisfaction, mais c'est elle qu'elle félicite, pas lui. Alors, il s'est installé dans sa vie, et vient la surprendre au moment où elle s'y attend le moins. Un jour, elle le regardera autrement. Il l'espère.
Il la guette, infatigable veilleur.

Il l'a vue venir et prendre place à sa table de travail. Toujours le même rituel. Elle allume son PC, branche sa clef USB, pose sa tasse de thé brûlant à gauche de la bécane, ajuste l'écran, ses lunettes.
Elle se penche, attrape des feuilles de brouillon, là , sa main l'effleure mais elle ne le touche pas . Pas encore. Elle se rassoit. Elle fouille dans sa trousse, en ôte les feutres de couleur et les pose devant elle. Et elle le regarde. Bizarrement. Puis détourne le regard. Elle se détourne de lui.
Elle pense encore qu'elle a plus important que lui dans sa vie ? Vraiment ? Et bien, il va se charger de lui faire comprendre le contraire.
Tiens, elle a l'air de comprendre toute seule puisqu'elle le porte sur sa table. Serait-elle devenue enfin raisonnable ? Ah ben , pas tout à fait, puisqu'elle le repose dans son sac.

Il fait nuit maintenant . Elle est seule à son bureau, ses collègues sont parti-e-s. Elle a mis de la musique en fond. Si elle croit que cela va l'arrêter, elle se trompe. 30 mn qu'il attend , seul , à ses pieds. Cela ne peut plus durer . Chaque semaine, elle lui fait croire que cela va être son tour. Chaque semaine, elle le change de place : dans le sac, à la maison, dans un tiroir, sur une table d'écolier, dans un train, au fond du coffre d'une voiture, et même oui même dans un jardin, sur le bord d'une piscine ou d'une cheminée. Et s'il était seul, non !!! ils sont cinq, dix , vingt même parfois , à attendre, trépigner que MADAME L ORTHOPHONISTE fasse enfin son travail de rédaction .

Mais c'est Noël, enfin c'est passé mais c'est tout comme . Et, là, comme un miracle, il l'entend dire à son interlocuteur téléphonique :
  • « Bon, faut que j'te laisse, c'est pas tout, mais j'ai des compte-rendus à finir, je m'y mets sérieusement là.
Et là, comme dans un rêve, elle le sort de la pile, le pose devant elle et dit :
- à nous deux maintenant, qu'on en finisse.

1 commentaire:

  1. Héhéhé! Marrant, ça me rappelle des trucs. Ce serait pas un dossier de chez moi qui serait venu fayoter, par hasard???

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